Des journées entières

des journées entières

Sébastien Schuller – Where we had never gone

Mains dans le sable, eau jusqu’aux mollets, la peau qui craquelle brûlée sur le dessus des épaules et qui devient peu à peu bleue, du froid de l’eau, du temps passé immergés, à mesure qu’on redescend sur le bas des jambes. Des journées entières, on ne s’arrêterait jamais. Les yeux rivés au sol plissés par le vent ou le soleil traître ou la concentration on ne sait pas très bien, on remarque juste cette courbure des corps plongés dans un bonheur insouciant inconscient, le bonheur est toujours passé. C’est un quotidien. Des années. Une enfance. Regarde celui-là comme il est beau. Et puis cette nacre, t’en as pas trouvé des aussi beaux toi. Mais si qu’est-ce tu racontes et celui-là alors, on n’en avait jamais ramassés des comme ça, non ? Ah oui. – moue de déception, arrêt des bavardages, reprise de la quête silencieuse et souriante.

L’eau glacée trouble troublée par le passage incessant de nos pieds. Dès qu’on rejette un coquillage à la mer, c’est des arcs de cercle concentriques qui se dessinent et se propagent à la surface argentée de l’eau jusqu’à leur dissolution à on ne sait trop quel moment ni endroit, on ne regarde déjà plus. On ramasse les beaux coquillages seulement. Ceux qu’on pourra aller vendre aux hordes de touristes dans la Baie. Ces peaux blanches qui n’ont pas compris encore qu’il faut se protéger du soleil ici, mettre un chapeau, des manches longues, un pantalon. Mais nous on est encore des enfants alors on peut bien restés là à moitié nus, jusqu’au jour où il aura fallu rempiler des tonnes et des tonnes de couches successives par-dessus notre enfance.

 

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)