For now I am winter: Reykjavik

« Il y a un ciel chargé, un tas de feuilles. Un bruit sourd dans la montagne. Quelque chose comme un regard qui traverse le paysage et l’abandonne. On est au centre d’une pupille obscure. Dans les syllabes prononcées par une bouche qu’on ne voit pas. On se retourne. Le jour ressemble à un visage. »
Jacques Ancet, Portrait d’une ombre

Ólafur Arnalds – Verses (feat. Alice Sarah Ott)

Reyjkavik 2013 © candice nguyen

Reykjavik 2013 © candice nguyen

Reyjkavik 2013 © candice nguyen

Reyjkavik 2013 © candice nguyen

« On l’entend. Comme une goutte sonore quelque part entre la bouche et l’œil. Une sorte d’éclat sur la soie du tympan, dans le noir de la pupille. La braise d’un rire, peut-être, là au fond du silence. On écoute, on guette. Les jours pleuvent, mais lui ne change pas. Qu’il s’en aille ou qu’il vienne, il est là. Comment le voir s’il n’a pas d’ombre et l’appeler s’il n’a pas de nom ? On s’arrête. On ne bouge plus. C’est moi, dit-il. Qui moi ? Pas de réponse. On regarde autour. Qui moi ? Bruissement, froissement. On répète : qui ? Bruit de pas, comme de quelqu’un qui s’approche. Murmure. On fait : quoi ? Une voix se cherche. On entend : moi, mais ça pourrait être : toi. On dit : hein ? On dit : répète. C’est croix à présent qu’on comprend – ou roi. On ouvre une porte sur un couloir. Au bout, une forme disparaît. On voudrait courir. On n’a plus de jambes. »

Reyjkavik 2013 © candice nguyen

« On dit quelqu’un. On pourrait dire quelque chose. Ou rien – personne. Même si c’est là, quand même. Ça guette ou ça attend ou ça pèse, simplement. On dit c’est lui, pour lui donner un nom. Chuchotement. On se retourne. On ne voit, bien sûr, que les feuilles qui bougent. Ou une aile trop brève pour savoir. On appelle, mais qui pourrait répondre. Le jour vacille. Moineaux et mésanges griffent le ciel. Le tronc fouille la terre humide. On reste sans rien voir. Une lueur se lève où passe une ombre. On voudrait la saisir, mais on a trop de temps sur les mains. Le ronflement soudain d’un vent venu de nulle part, le regard qui brusquement confond l’ordre du paysage et le désordre des choses, est-ce lui ? Lui, le voile de la pluie, les deux merles qui sautent dans les feuilles, la joie et le désespoir, le temps compté ? Lui, le rouge-gorge entrevu et ce qui vibre entre une et deux comme la branche qu’il vient de quitter ? Lui enfin dans tout ce qui vient à la parole et l’abandonne, non ce que disent les mots – bêches, coussin, visage, colline – mais ce qu’ils ne disent pas, tiédeur, nœud de cendre, la forme de l’air ? »
Jacques Ancet, Portrait d’une ombre

 

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« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

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à propos du silence de Larmes (largo di molto)