lui dire à cet autre

tu dis grains de pierre tuile rouge ils sont tous là

Jamie Cullum – Don’t stop the music
 
ricoche l’outrageuse mémoire ce qui se fait trébuche encore se cogne contre les murs les plaies la vitre sale
c’est traces de doigts poussière et pluies à travers elle tu vois
les toits les arbres la mer tu dis grains de pierre
tuile rouge ils sont tous là
tu t’écroules le jour la nuit d’un sommeil de plomb qui éclaire une fatigue très ancienne, d’avant toi, d’avant les hommes – la vie, tu espères
tu espères quoi tu n’en sais rien pour quoi savoir tu continues

 

c’est l’hiver c’est l’été les saisons se pressent les peaux se détendent ton corps te lâche plus tu avances moins tu en sais mais c’est égal
le jour sera là
demain
c’est égal
martèle en tête toujours la vie, tu as neuf ans tu en as mille, ce qui se fait trébuche encore s’endort et se relève,
tu t’émerveilles

jour après jour

pas après pas

pétale lumière dans le coin de la pièce ton corps réclame encore

d’elle
de lui

le long baiser qui dure encore
les corps défaits dans un même geste

 
réclame encore en chaque jour, un sourire cogne contre la vitre : il est pour toi —
 

un soir, lui te dit « … puisque aucun corps lumineux n’a jamais vu l’ombre du corps qu’il éclaire… » tu le répètes et tu voudrais lui dire à cet autre qui ne sait rien de ceux qu’il éclaire, dans le noir qu’il voit partout, dans sa fatigue qui est la sienne qui est la tienne qui est la mienne toutes confondues, il ne sait rien, il ne voit rien de ce qu’il éclaire : ni qui ni quoi ni comment,
ni le noir qui te suit toi, et pourtant,

c’est lumière qui transperce de celui-là

depuis son noir, trop plein de vie qui le submerge
déborde sur le trottoir un jour de mars,
un quai le jour d’hier,
un rien qui cogne contre la vitre
ce sourire-là il vient de toi

tout est là
peut-être trop
parfois

et la vie qui le déborde
emporte un peu de toi de moi

mon souffle

sur toi

la vitre
le grain
les peaux

 
éclats de rire mouvements contraires
une poche d’eau froide dans la mer chaude
l’étourneau seul sur le toit que fait-il là
un mât
ta voix se casse et bute contre les jours les murs ?
mon sein
ta main

 
la pellicule revient
ricoche l’outrageuse mémoire ce qui se fait trébuche encore se cogne contre les murs mon corps les plaies ta main nos vitres
radieuses
c’est traces de doigts désir poussières c’est à travers elles que je te vois

 

 

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)