fragments épars

© candice nguyen

N’en peux plus de rêver
fragments épars
se rejoignent
confus
vers ce pays que je ne connais pas

que j’ai oublié ?

à force d’y penser
tout finirait bien par renaître
les morceaux se recoller
un à un

trésaille

Cette inquiétude, encore ce soir, que je n’ai pas su rassurer. Ne suis vraiment pas douée pour cela, comme une préférence pour l’enfant le plus insouciant de tous, la tête en l’air, les bleus sur les genoux, les tibias dans les coins de table, je ne peux m’empêcher d’en être agacée, d’elle cette inquiétude, et de développer une intolérance à peine extériorisée mais pourtant si palpable dans mes longs (?) silences – pour moi : ils sont éternité.

Lis entre mes mots

je n’arrive plus à t’écouter

écoute mes souffles

mais tu ne fais que parler

tu n’entends rien

je n’y arrive plus

M’agace et pourtant touchante – autant folle que fondée, celle d’une mère pour ses enfants, d’un frère pour son cadet, celle de l’amour qui prend peur devant ce qu’elle ne connait pas, devant celle qu’elle ne connaît plus – la peur pour l’être aimé. Mais je le redis, elle m’exaspère en ce moment, je n’entends plus rien, rien. Laissez-moi rêver même encore quand je n’en pourrais plus de rêver, ne pas brouiller les flux confus qui n’habitent en ce moment, j’essaye de me retrouver.

L’immobilité paisible après le chaos de la foule, la ville, son animation perpétuelle, elles seules dont je me souviens et qui tourbillonnent encore jusqu’au fond de mes entrailles –

je fuis

Fantasme n’est pas fantasmer, de cette immobilité je retrouverai la force pour continuer. Pourchasser le vent et bouffer la poussière de la terre, rouge la terre et humide l’air entre mes deux poumons infiltrés. La brèche, ridicule, par laquelle bouffée après bouffée s’immiscera tout l’oxygène dont j’ai besoin pour continuer. Les yeux fermés, reconstituer l’aube de ma pensée qui s’est éparpillée en mille miettes, en mille endroits, en mille temps que je ne sais plus très bien où elle a pu se cacher.

N’en plus pouvoir de rêver
fragments épars
se rejoignent
confus
vers ce pays que je ne connais pas

que j’ai oublié ?

à force d’y penser
tout finirait bien par renaître
les morceaux se recoller
un à un

novembre
en attendant

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)