all those places where I recall memories

nuit agitée sans sommeil hier. Comme tous les soirs je laisse les fenêtres grandes ouvertes, l’été n’a pas fini de venger le printemps cette année. Mais l’air humide, les cheveux hirsutes, frisés, c’est l’air de la mer qui revient dans la chambre. Aucun nuage à l’horizon et pourtant on devine la brume qui s’apprête à amarrer d’ici peu, là, demain, cette nuit, dans quelques heures, maintenant. Nuit agitée sans sommeil, un moustique pour toute compagnie, le bourdonnement insidieux au coin de l’oreille, dans le creux de mon cou, je sens la présence proche comme la présence sent mes cheveux pleins de l’iode de la mer et de la fatigue, fatigue de ces mouvements sans cesse répétés : j’attends toujours l’immobilité retrouvée.

îles du Frioul, Marseille, 12 juillet 2010

PJ Harvey – Silence

De cette compagnie l’exaspération, je rebranche la prise anti-moustiques trop tard, mon corps déjà sucé en deux endroits – ne veut-on pas de mon repos. Je me camoufle sous la couette, me rendors quelques minutes, quelques secondes, et la valse reprend de plus belle. Je me relève, n’allume point les lumières : inutile c’est déjà le jour dans la nuit. Je suis exténuée. Lumière jaune, la mousson. Je suis déjà là-bas. Levée malgré moi et encore plongée dans des rêves indistincts où tout se chevauche, je ne sais plus rien de cette réalité ou d’une autre. Je m’allume une cigarette et repense à la magnifique dernière partie de Fuir et l’état de suspension dans lequel le narrateur est plongé pendant toute la durée de son voyage entre Pékin et l’île d’Elbe :  

« mon esprit ne parvenant pas à passer fluidement de l’un à l’autre, à abandonner l’un pour se consacrer à l’autre, mais restant en permanence dans cet entre-deux provisoire du voyage, comme si cet état transitoire, extensible et élastique, pouvait être étiré à l’infini, et que, finalement, je n’étais, en pensées, plus nulle part, ni à Pékin ni à l’île d’Elbe, mais toujours à la surface de ces lieux transitoires que je traversais, à la fois arrêté et en mouvement ».

Les yeux encore à demi fermés et ces putains de klaxon qui commencent dès l’aube. Le plaisir de la sieste possible dans quelques heures comme unique pensée pour pouvoir démarrer une nouvelle journée en pleine nuit.

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)