l’hiver au cœur

 

Échancrure : un peu de chair écrite et déchirée.

Toi,             demi-nue sur la page de buée, l’hiver au cœur. —Jean-Michel MAULPOIX

 

Montréal, 5 janvier 2018

Chance The Rapper – Good Enough

 

_l’extrait ci-dessous d’un exotisme pur et formidablement enthousiasmant (et à la fois d’une banalité folle pour qui a grandi en banlieue)

« C’est une ville où les gros autobus débarquent le mercredi leurs équipages d’enfants tristes, comme un éboulis de rêves en vitrine du petit magasin de couleurs où l’on vend des poupées de laine et des oiseaux bleus en carton.

Une écolière bleue traverse la route en sautillant sur les clous blancs. Elle caresse d’une main furtive le mufle des automobiles qui voudraient bien mais n’osent pas poser trois baisers sur ses joues et la prendre un peu par la taille.
 
Dans un couloir de l’hôpital, elle pousse un caillou de marelle sur les carrés blancs et noirs du linoléum. Une vieille femme moustachue ronfle dans son lit, ses yeux gris-blanc grands ouverts. Deux infirmières roses jacassent en roulant le fauteuil d’un unijambiste.

La maison quand il pleut est un coffret de dominos. Les sabots minuscules des moineaux trottent sur le toit. Près de l’écluse, la poupée du diable fredonne, son vélo bleu sous le pommier. Les péniches sont des baleines grises dans une ruche de gouttes d’eau.
Derrière le radiateur des guêpes ressuscitent que l’on croyait mortes depuis longtemps.
Dans le piano s’endort un géant doux. »
—Jean-Michel MAULPOIX, Précaire, Échancrures in La Matinée à l’anglaise

_le gros de l’affaire ne résidant pas dans le sensationnel mais dans le décentrement qu’il te procure  l’idée alors de réussir à envisager les pans de ton quotidien comme un décentrement permanent;

_là où la vie plie, là où dans ses creux, ses failles, réside sa force, là où elle s’acharne, là où l’on arrête parfois enfin un peu sa course.

 

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_et puis cette publication de lundi.am aujourd’hui : fucking huge #shitstorm indeed.

« Faut-il que la sagesse de ce monde soit devenue complètement folle pour être contemporain d’un attentat à l’arme lourde contre le Club Dorothée ? » —Julien COUPAT

(trois ans, déjà ? comme la dixième année qui commence pour PLATEFORM, merci Laurence pour ce rappel du temps qui coule entre les doigts)

_je vous avoue ma petite angoisse à retrouver l’Europe : trouver le courage de refaire face au merdier d’un monde en train de crouler;

_ici c’est facile, t’es un peu loin, tu fais genre d’oublier, pis les -40°C ont de toute façon anéanti tous tes neurones et réserves d’énergie en vue de ta seule survie au jour qui rajoute mollement au jour, barricadé chez toi près des chauffages avec ta soupe sur le feu (beaucoup de soupe) et tes gouttes de vitamine d  insignifiant;

_tu contemples la schizophrénie de ce monde, ses mensonges et pantins auxquels plus personne ne croit, cette schizophrénie logée dans la perpétuation-même de ce système (j’allais écrire: perpétration);
atterrant, je suis atterrée par la sombre bêtise et la totale obscénité de ceux qui gouvernent notre monde et s’en rient à gorge déployée;
tu contemples ta propre schizophrénie aussi, à tenter de trouver les moyens pour être heureux en ce début de XXIème siècle;

_bref, je vous la souhaite bien bonne cette année

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)