ombres portées (André Velter)

« Nos anges à nous ne sont peut-être que ces nuages dont le corps rosit dans le jaune des ciels d’hiver. »
Philippe Jaccottet

Carteret, octobre 2015

Max Richter – The Departure (The Leftovers OST)

« Mais il y a beau temps que l’on sait que le pas, en avançant, transforme ce qu’il voit, et j’aurais dû prévoir aussi la perturbation de mon ombre portée, inévitable compagne de celui qui parle ou écrit, quand bien même il croirait ou voudrait le faire dans le monde des fées qui serait celui où il n’a jamais mis les pieds. » JC Bailly, Description d’Olonne

» Et puis la terre fut ronde. L’obligation de rebrousser chemin disparut. Le retour s’inventa une marche en avant. S’estompèrent les arrivées, les départs, il n’y eut plus que des étapes. Le but cessa d’être un point ou un autre, une ville, une île, un pays ou un autre. Le but s’unit au mouvement, devint parcours, pèlerinage, errance. Le sens se mit à douter des fins dernières, partit à l’aventure. Pour n’en plus revenir.
Ce qui fut conquis dans le sillage des caravanes excéda de beaucoup les calculs des marchands, les plans des émissaires ou les désirs des reîtres. L’esprit multiplia ses espaces, découvrit ses langues inconnues, accueillit de nouveaux mystères, des oracles et des rêves. Mêlés à la poussière, à la neige, aux tourmentes, il y eut les récits, les légendes, les dieux sans visage et les divinités secourables, il y eut la pensée de l’autre, ses gestes et ses peurs, il y eut cette expérience étrange de la perte de soi qui semble gain de lumière et ce vertige de l’être qui se reconnaît soudain étranger à lui-même, et plus vaste. » André Velter, L’Arbre seul

» Nue et couverte à la fois comme une main à demi dégantée livre sa paume blanche et garde des doigts de cuir.
Nue et ouverte sur ma bouche comme au souffle d’une falaise.
Nue et vertigineuse comme la chute qui n’en finit pas d’attendre.
Nue et belle dans cette absence de décor telle une cantatrice au centre d’un terrain vague.
Nue et rebelle quand les fesses sur le granit tu te sens prise et liée à la pierre, le soleil fracassé du plaisir sur la peau.
Nue et seule : demain tourne 7 rêves sous mon front où tu parais toujours.
» André Velter, Passage en force

 

Photographie : Barneville-Carteret, octobre 2015 (pas loin de granville, donc)

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)