song from under the arches (Marc Perrin)

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Gravenhurst – Song from Under the Arches

« Ils disent : la vie à venir ne nous intéresse pas. Le présent est notre seul lieu. Ils disent qu’ils ont besoin d’espaces pour vivre. Ils disent : nous avons besoin d’espaces pour que notre présent puisse avoir lieu. Ils disent : nous cherchons un lieu mouvant : nous cherchons un lieu toujours en mouvement : un lieu : comme sans cesse hors de lui-même : un lieu comme en colère et en joie : en même temps : un lieu libre et nourri d’une colère qui rejoint la joie. Ils disent : nous sommes en marche dans ce lieu. Ils disent qu’ils marchent dans ce qu’ils deviennent. Ils disent qu’ils marchent dans ce qu’ils ne cessent de devenir. Ils disent : nous vivons une joie mouvante par laquelle nous sentons ce que les corps peuvent donner quand ils sont libres. Ils disent : nous vivons une joie mouvante par laquelle nous marchons hors de ce qui nous empêchait d’être. Ils vivent une joie profane. Ils disent : nous vivons une joie profane en vivant dans ce lieu : hors de tout lieu. Ils vivent : une joie concrète. Une joie concrète et matérielle : très simplement : quand ils ont un lieu pour vivre : seulement : quand ils ont un lieu pour vivre : et qu’ils peuvent marcher : librement : seulement quand ils peuvent. Ils disent : nous connaissons la joie lorsque nos corps sont libres de se déplacer : de lieu en lieu : partout : et : quand ils ne reconnaissent rien. Ils disent : nous vivons la joie la plus intense qui soit quand nos corps ne reconnaissent plus rien. (…)

Ils disent qu’ils font le récit de l’histoire. Ils disent qu’ils vivent l’histoire de l’événement. Ils disent qu’ils vivent dans l’histoire. Ils disent : le récit de l’histoire passe par la multitude de nos récits. Le récit de l’histoire passe par la différence de nos récits. Le récit de l’histoire passe par la division dans nos récits. Le récit de l’histoire passe par la différence + la multitude + la division.

Ils se réunissent. Ils se divisent. Ils disent : nous sommes ce qui réunit et ce qui divise. Ils disent : la différence de nos récits est notre seul bien commun. Ils disent : la différence de vérité de nos mémoires crues communes est notre seul bien commun. Ils cherchent ce qui leur est commun. Ils cherchent ce qui les divise. Ils cherchent et ils découvrent à quel point leurs mémoires crues communes révèlent leurs divisions. Ils disent qu’ils ne découvrent rien mise à part que la mort, seule, est leur seul véritable bien commun c’est dire s’ils ne découvrent rien. Ils disent tout nous sépare et c’est par là que nous allons. Ils éclatent de rire. »
Marc Perrin, Avoir lieu

 

Cet extrait a été publié la première fois chez Remue.net.
Découvrir l’ensemble du projet Avoir lieu sur le site de l’auteur.
 

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)