(les textes figurant ici sont de Francis Royo que je lisais quotidiennement depuis quelques années déjà, le vide est donc à présent grand mais l’héritage bien plus encore. je vous invite à déambuler dans son site Analogos)
« brume de rive en rive à deux pas du visible
touffes de chant dans l’haleine du monde
sur ma nuque ta main de roseau »
Francis Royo, Shima 72
_La main qui danse vaut mieux qu’un corps qui pleure
et les étoiles ne savent rien de nos malheurs.
La vie parfois s’installe où l’on n’est plus. | Arrache-corps 5
_il y a
ce temps immobile
mots qui se tressent parole qui s’éclaire
dans la gorge détranglée
et la chambre de roses au sourire secret
il y a des cendres
du feu perdu
bûches rentrées trop tôt
ma main les pèse
il y a le miel les anges
une fleur à ton nom
au jardin mon linceul
tu es belle
à mon vent dévêtue
il y a
aux heures de créance et de séparation
le ciel qui nous délivre
sa grâce douce en pleurs
et notre demeure ce miroir
tout entourée de pierres
un livre inachevable
jusqu’au bout du chemin dis-tu
là
où le désir serpente
il y a mon corps
massacré
ce soleil | L’arrache-cœur, Il y a
_ce dialogue face à face
dans l’éboulis des mots
l’avons-nous rêvé
le ciel meurt-il sur nos lèvres
au haras de nos pas
le secret se colore
anime nos galops d’enfants
au loin
dans l’errance des jours brûlés
un doux désir de mer
soudain
débride toute parole
cours à mon flanc sans peur
le chemin ne connaît d’entrave
que ce soleil
muet
fou d’étoiles | Bribes 15.6
_d’un tronc
une machine à tendresse
dans la sève des regards
écorcés
la vie ailée
qui bat
qui bat | Bribes 14.5
« deux paumes retiennent cette eau sans la soif apaisée
suis-moi dit-elle
la vie comme un ruisseau »
Francis Royo, Shima 65
_d’aimer jusqu’au naufrage
mes ennemis superbes
que reste-t’il de moi
une barque miraculée
sous mes pas
toute violence a disparu
dès que la mer s’est retirée | Bribes 5.3
_qui peut deviner ta voix dans le vent
encordée pierre à pierre jusqu’au ciel
qui peut te reconnaître dans mes yeux sans nuages
qui peut chanter ton nom cœur à terre
en plein vol
chaque mot chaque note est une main tendue de voiles
et ce froid qui s’installe
qui peut en rire encore bouche gercée de sel
mer toujours brûlante de nos écumes
mordant le sexe
de nos saisons éblouissantes
puis très haut plus haut que tous les jardins
qui peut donc sans vertige contempler ton soleil | Bribes 9.5
_je ne bâtis pas de murs
autour
des caresses orphelines
ni des regards
plein de maternité
Un seul sourire est fait pour être envisagé
je ne mets pas de toit
je ne protège rien
je ne construis pas de maison
je rampe aux douves
du plus profond silence
dans des chagrins d’encablures
et puis rendu
aux heures désempierrées
guette l’aube sauvage | Bribes 6.1
_je ne suis pas absent
j’afflue à la page inconnue
un dessin blanc sur le silence
j’affleure
j’effleure au bout de tes doigts
le filigrane étrange
d’un visage blessé
au fil du temps
au feu des mots
ma couleur est tenace
je ne suis pas absent
je pleure un jardin bleu | Bribes 12.2
« bonheur
aujourd’hui
l’oiseau m’a regardé
comme si c’était moi qui
volais »
Francis Royo, Bribes 6.4
_et le jour s’accomplit sans rien user du sourire des pierres
hantée d’étoiles la pluie illumine leur prière
au rosaire de l’aube
la parole est intacte | Bribes 6.7
(en images ici)