des taxis pour la galaxie

des taxis pour la galaxie

Sophie Hunger – Le vent nous portera

15. Mi ricordo
quand les femmes trompées croyaient dur comme fer aux mensonges de leur mari.
 
21. Mi ricordo
des enfants qui ont dû voyager clandestinement avant même de naître.
 
31. Mi ricordo
que la République sociale de Salò a été une immense et sanglante mascarade.
 
56. Mi ricordo
quand les rêves, les moins affreux des plus mauvais, se sont mis à allonger chaque corps endormi dans une cuve à mazout.
 
72. Mi ricordo
de leurs colères quand ils ont découvert des côtes polluées et des villages enlaidis par les promoteurs immobiliers.
 
89. Mi ricordo
du couteau planté dans le fauteuil du maître d’école.
 
97. Mi ricordo
d’une écriture dans la marge.
 
99. Mi ricordo
qu’on ne se voit pas toujours tomber.
 
115. Mi ricordo
que Turin est une ville où les solitudes se croisent avant de sombrer dans la folie ou la mort.
Christophe Grossi, Ricordi

_ailleurs, le bleu repose. soi, devenu réceptacle ouvert au vent et au froid, au soleil fier et aux embruns, bras nus puis emmitouflée, ces intermittences qui sont éternité où il me faut passer. beaucoup de bribes de conversations ces derniers mois avec x, y, z, sur ce qu’il faudrait faire, reprendre, changer, brûler, oublier, recréer; peu de réponses, quelques tentatives, beaucoup de désillusions ou de cynisme contrit lorsque le soufflé est retombé (et il retombe toujours) mais cela de sûr : encore plus de doutes qu’auparavant et une certitude comme une entaille de la nécessité d’essayer, et de le faire réellement, avec les moyens qui sont les siens, et comme une respiration : quotidiennement.

_je trouve très belle et très forte cette présentation du Général Instin :

« Général Instin (auteur peuple, chef sans tête), c’est l’autorité qui perd ses auteurs, et en les perdant les trouve peut-être.

Le Général Instin serait un membre fantôme qu’aucun humain n’a jamais possédé : imaginez une autre paire de bras, un second nombril, un troisième œil, une vingt-septième lettre. Mais ce membre démange et il arrive qu’on se gratte le fantôme jusqu’au sang.

… Le Général Instin réunit sous son nom les fondements d’une littérature d’après la disparition de l’auteur : le texte vestige, fragment, sa transmission par citations, par évocations, par interprétations, gloses, variantes qui donnent naissance à tout un réseau de versions parallèles et successives, à une littérature spectrale en somme, le doute essentiel sur l’idée d’original, d’identité établie, de « leçon » de référence, autrement dit d’autorité.

Le Général Instin est la manifestation du paradoxe de l’archétype : né de ses variantes, il est considéré comme leur origine.

… Polymorphe, il se colore de la sensibilité et de l’imagination de chacun de ceux qui entrent dans le projet comme, enfant, on respirait un grand coup avant de sauter dans la corde que tournaient deux camarades.
Fluide, il se coule dans tous les interstices et à toutes les profondeurs inemployées de chacun (comme on sait, elles ne manquent pas), qu’elles conduisent à ses propres ignorances ou à ses utopies en propre. À les verser au pot du collectif d’auteurs qui avancent masqués, …s’accroît la capacité de ces ignorances et de ces utopies à susciter de l’inédit, de l’insu, du commun. »
Dominique Dussidour

_je pense alors à la circulation en asie du sud-est, à cette capacité de s’immiscer dans l’établi qui est mouvement à en devenir soi-même fluide, s’en échapper, y revenir, greffe sans accroc où l’autre et soi se fondent en banc de poissons. en démarche, je me refais souffle, coulure, mouvement, le reste, le vent l’emportera.

par Candice Nguyen

« je suis le danseur étoile, ma sœur est la ballerine, nous ne faisons plus aucun poids, nous volons en l'air, c'est une des jubilations de l'enfance de pouvoir se transformer en plume. » —Hervé Guibert

DANS LES CARNETS

à propos du silence de Larmes (largo di molto)